Ernest Cole : la douleur de l’exil

AVANT PROPOS

Ce texte n’est ni un résumé du film de Raoul Peck, ni une biographie d’Ernest Cole. Il s’agit d’un regard personnel, influencé par ce documentaire, mais surtout par ce que son œuvre m’a fait ressentir.

Ernest Cole est un photographe sud-africain qui a documenté l’apartheid, puis fui son pays. Ce que le film montre, c’est bien plus qu’un parcours artistique : c’est un arrachement.

Une phrase revient tout au long du film : « Il avait le mal du pays ». On la répète, on l’entend, elle résume tout ce que l’on ne peut dire d’un cœur exilé.


AVANT L’EXIL

Avant de fuir l’Afrique du Sud, Ernest Cole photographie intensément. Son livre House of Bondage montre ce que le pouvoir voulait cacher : l’humiliation quotidienne, l’organisation systémique de la ségrégation.


À l’époque, c’est un acte de guerre visuelle. Mais c’est aussi un acte d’amour : montrer, c’est croire que les images peuvent faire bouger le monde.

Examen médical groupé.

Source : magnumphotos.com

Garçons surpris en train de pénétrer sans autorisation dans une zone blanche.

Source : magnumphotos.com

Source : magnumphotos.com

L’EXIL

À son arrivé en Amérique Ernest découvre un continent ou des noirs et des blancs se tiennent la main, s’embrassent, dansent ensemble.

Son travail est diffusé, mais il est rapidement réduit, en tant qu’artiste, au statut de photographe de guerre.

C’est un premier point de rupture dans son parcours. Comme il le dira plus tard, un homme ne se résume pas à une seule cause.

Ernest Cole avait un regard sensible et complexe. Il voulait photographier autre chose : la vie, les émotions, les détails de l’humain. Ce rétrécissement de son statut le blesse.

« Il avait le mal du pays »

Il veut revoir sa mère mais ne peut pas : son passeport n’est pas renouvelé, il n’est plus Sud-Africain aux yeux de l’administration.

Il n’a plus de papiers, plus de nation, pas d’amis ni de famille proche autour de lui.

Sa bourse de la fondation Forbes (6k$) n’est pas reconduite et il dormira quelques temps dans le foyer d’une église.

2017

En 2017, la banque suédoise Skandinaviska Enskilda Banken a restitué à la famille Cole un premier lot de 414 négatifs. Ces images, longtemps restées dans l’ombre, nous offrent un éclairage inédit sur les années d’exil d’Ernest.

Dans ces photographies nous pouvons voir des moments d’affections, des gens qui s’aiment, qui s’embrassent. On ressent alors le manque d’amour éprouvé par Ernest, c’est ça la douleur de l’exil.

Les clichés réalisés lors de ces dernières années de vie, avant d’arrêter complètement la photo, montre des regards, des visages, des humains, seuls.

Des personnes sans abris, des personnes en détresse, aux regards tristes et vides. C’est (aussi) ça la douleur de l’exil.

Source : magnumphotos.com

AUJOURD’HUI, QUE RESTE-T-IL ?

Conformément a son souhaite le plus cher, son travail est largement diffusé en Afrique du Sud. Mais son oeuvre est vaste et diverse et 500 négatifs, toujours détenus en Suède, n’ont toujours pas été remis à la famille Cole.

Quelles nouvelle facette de l’artiste pourrions nous découvrir à travers ces négatifs ?

Ernest Cole a vu trop de violence. Trop d’oubli aussi. Il a crié par l’image, puis s’est tu. Si son œuvre est un témoignage elle est aussi un miroir et nous nous devons de nous interroger sur ce que l’exil fait aux individus, aux familles fuyant la guerre, aux populations déplacé de force.

Ernest Cole : la douleur de l’exil

Par Lila Chibah — Septembre 2025